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Décision de principe d’une assemblée générale et effets juridiques

Cass. 3e civ., 29 nov. 2018, n° 17-26.744, D

Mots-cles

Copropriété • Assemblée générale • Décision d’assemblée générale • Décision de principe • Mesures préparatoires • Effets juridiques

Textes vises

Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965

Repere

Le Lamy Droit immobilier 2018, nos ……

Constitue une véritable décision d’assemblée générale et non un simple accord de principe, une résolution produisant à elle seule des effets juridiques.

Analyse

Un immeuble possédant un accès sur plusieurs rues est composé de deux syndicats de copropriétaires, lesquels sont toutefois régis par un seul et même règlement de copropriété.
Une société civile immobilière, copropriétaire d’un lot constituant un entrepôt devenu enclavé à la suite d’une division, demande le rattachement de celui-ci à l’autre syndicat, afin de bénéficier d’un accès sur la rue.
Ce rattachement lui est accordé par le syndicat des copropriétaires concerné, aux termes d’une décision d’assemblée générale du 29 mai 2000.

Cependant, en 2006, une assemblée générale du même syndicat repousse le modificatif de la répartition des charges proposé par la société copropriétaire de ce lot et charge un notaire d’étudier les solutions les mieux adaptées.
Toutefois, rien n’est ensuite décidé et la modification de la répartition des charges n’est pas effectuée.
Mais, en 2011, le lot concerné est de nouveau scindé pour constituer, non plus un entrepôt, mais une salle de sport au rez-de-chaussée ainsi que 19 bureaux en étage.
En 2013, la société civile immobilière copropriétaire assigne le syndicat afin de voir constater le rattachement juridique de son lot au syndicat concerné et voir annuler une assemblée générale du 12 juillet 2013 à laquelle elle n’avait pas été convoquée.

La Cour d’appel de Paris rejette la demande au motif que la résolution du 29 mai 2000 acceptant le rattachement du lot au syndicat des copropriétaires ne constituait qu’une décision de principe nécessitant, pour être efficace, qu’intervienne une modification de la répartition des charges, laquelle n’a pas eu lieu.

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel.
Ce faisant, la Cour confirme sa jurisprudence constante concernant les critères de distinction entre une décision d’assemblée générale et un simple accord de principe.
Selon la jurisprudence en effet, une décision d’assemblée générale se distingue des simples mesures préparatoires ou des accords de principe en ce qu’elle revêt en elle-même une efficacité juridique.
À l’inverse, une résolution de principe nécessite qu’une nouvelle décision d’assemblée générale intervienne pour la rendre effective1.

Ainsi, la décision de principe n’engage pas le syndicat des copropriétaires et n’est donc pas susceptible de recours puisqu’elle reste dépourvue de portée juridique tant qu’une seconde décision d’assemblée générale n’en fixe pas les modalités d’application.

En l’espèce, le syndicat des copropriétaires avait donné son accord pour que le lot concerné lui soit rattaché.
Toutefois, quelques années plus tard, celui-ci refusait la proposition de répartition des charges qui en était le prolongement et la conséquence.
Le syndicat prenait ensuite appui sur cette absence de régularisation pour prétendre que la première décision ne constituait qu’un accord de principe nécessitant une modification de la répartition des charges pour être effectif.
Cette analyse, reprise par la cour d’appel, est censurée par la Haute juridiction qui décide que la décision de l’assemblée générale du 29 mai 2000 constitue bien, non pas une position de principe ni une mesure préparatoire, mais produit à elle seule des effets juridiques, sans être subordonnée au vote sur la modification de la répartition des charges.

Selon le critère défini par la jurisprudence précitée et repris ici par la Cour de Cassation, aucune nouvelle décision n’était nécessaire pour rendre effectif le rattachement du lot concerné.
Il suffisait en effet d’appliquer les tantièmes de parties communes et les millièmes de participation aux charges de copropriété attachées au lot concerné.
On comprend en effet que le simple fait qu’aucun accord n’ait pu aboutir sur la répartition des charges qui en était la conséquence, ne pouvait dès lors, à lui seul, remettre en cause la décision de rattachement elle-même, laquelle était néanmoins effective et donc définitive.

En conséquence un droit acquis avait été créé, s’agissant d’un lot enclavé, puisqu’un passage avait été mis en place à la suite du rattachement à l’un des syndicats des copropriétaires.

À noter, cependant, qu’aux termes de la décision critiquée de l’assemblée générale du 29 mai 2000, la décision de rattachement avait été prise sous réserve de l’accord du syndicat auquel le lot était initialement rattaché.
Or, la jurisprudence constante décide également qu’à l’instar d’une décision de principe, une décision prononcée sous réserve d’une décision ou d’un événement ultérieur, ne constitue pas non plus une décision véritable2.
Cependant, à aucun moment, il n’a été fait mention de l’accord de ce deuxième syndicat, lequel avait vraisemblablement dû néanmoins intervenir.

Textes de la decision (extraits)

« (…) Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient que la résolution n° 1 de l'assemblée générale du 29 mai 2000 du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] ne peut être considérée comme une décision, dès lors qu'une nouvelle assemblée générale devait se prononcer sur la modification de la répartition des charges rendue nécessaire par le rattachement du lot n° 50 à ce syndicat ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la décision n° 1 ne constituait ni une position de principe ni une mesure préparatoire, mais produisait à elle seule des effets juridiques, sans être subordonnée au vote sur la modification de la répartition des charges, la cour d'appel a violé le principe susvisé ; (…)
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions (…) ».