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Répartition entre le copropriétaire saisi et l’adjudicataire de la provision exigible du budget prévisionnel et des frais relatifs à l’état daté

Cass. 3 e civ., 20 mai 2021, n° 20-15.633, P

Mots-cles

Copropriété • Vente par adjudication • Lot de copropriété • Provision exigible • Paiement • Opposition article 20 • Charges arriérées • État daté • Frais • Paiement • Vendeur • Adjudicataire.

Textes vises

Décret n° 67-223 du 17 mars 1967 – Article 6-2 – Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 - Articles 10-1 (dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010) et 14-1 – Code de procédure civile – Article 624 – Code des procédures civiles d’exécution – Article L. 322-9

Repere

Le Lamy Droit immobilier 2020, n°5172 et 5173

Dès lors que sa date d’exigibilité est antérieure à la date de la vente par adjudication, le paiement de la provision exigible du budget prévisionnel incombe au copropriétaire saisi. En revanche, en vertu des dispositions spécifiques applicables en matière de saisie immobilière, c’est à l’adjudicataire et non au copropriétaire saisi qu’il appartient de procéder au paiement des frais relatifs à l’établissement de l’état daté.

Analyse

À l’issue d’une procédure de saisie immobilière, un jugement du 5 octobre 2011 prononce l’adjudication des lots appartenant à un copropriétaire débiteur.

Dans le cadre des dispositions de l’article 20 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 1, le syndic forme opposition pour avoir paiement des charges arriérées, en ce et y compris la provision du quatrième trimestre du budget prévisionnel, exigible au 1 er octobre 2011, soit quelques jours avant la vente.

Il sollicite également le paiement des frais liés à l’établissement de l’état daté.

Le copropriétaire saisi conteste devoir régler tant la provision exigible du budget prévisionnel que les frais relatifs à l’état daté.

I - Répartition entre vendeur et acquéreur de la provision exigible du budget prévisionnel

L’article 14-1 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit le vote, chaque année, d’un budget prévisionnel, les copropriétaires versant alors au syndicat des provisions égales au quart du budget voté, celles-ci étant exigibles le premier jour de chaque trimestre ou le premier jour de la période fixée par l’assemblée générale.

La répartition entre vendeur et acquéreur des sommes dues au syndicat des copropriétaires résulte des dispositions de l’article 6-2 du décret du 17 mars 1967 2, lequel prévoit qu’à l’occasion de la mutation à titre onéreux d’un lot, le paiement de la provision exigible du budget prévisionnel incombe au vendeur.

Ces dispositions consacrant la jurisprudence antérieure 3, entrées en vigueur depuis le décret n° 2004-479 du 27 mai 2004 4 , ont mis un terme au compte prorata temporis que le syndic se voyait auparavant dans l’obligation d’établir lors de la mutation.

L’article 6-2 précité ne s’appliquant qu’à l’occasion de la mutation à titre onéreux d’un lot, en sont exclues notamment toutes les mutations à titre gratuit.

Pour autant, une vente par adjudication rentre bien dans le cadre d’une mutation à titre onéreux d’un lot.

C’est donc sans surprise que la Cour de cassation rejette le moyen et confirme la décision d’appel qui avait retenu que la provision étant devenue exigible le 1 er octobre 2011, soit avant la mutation du 5 octobre 2011, le paiement de celle-ci incombait donc au copropriétaire saisi.

II - Imputation des frais relatifs à l’établissement de l’état daté

S’agissant des frais relatifs à l’établissement de l’état daté, deux textes législatifs entrent en conflit.

Il s’agit de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 (dans sa rédaction issue de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 5) et de l’article L. 322-9 du Code des procédures civiles d’exécution.

En effet, selon l’article 10-1 précité, les honoraires du syndic afférents aux prestations qu’il doit effectuer pour l’établissement de l’état daté à l’occasion de la mutation à titre onéreux d’un lot, sont imputables «au seul copropriétaire concerné».

Le texte s’avérant muet sur ce qu’il faut entendre par «copropriétaire concerné», la doctrine majoritaire palliant l’insuffisance législative considère qu’il s’agit du vendeur puisque c’est lui en effet «qui transfère tout ou partie de ses droits sur le lot» et « à qui il incombe d’obtenir la délivrance d’un état daté, afin de satisfaire
à l’obligation de renseignement à laquelle il est tenu » 6.

Or, en pleine contradiction avec l’article 10-1 précité de la loi, l’article L. 322-9 du Code des procédures civiles d’exécution en matière de saisie immobilière, prévoit que l’adjudicataire «paye les frais de la vente».

Par un moyen relevé d’office, la Cour de cassation écarte l’application des dispositions de l’article 10-1 précité et fait prévaloir celles de l’article L.322-9 du Code des procédures civiles d’exécution.

Elle censure l’arrêt d’appel en relevant que «l’imputation du coût de l’état daté au copropriétaire concerné n’est pas applicable en cas de vente par adjudication d’un lot de copropriété».

La Cour de cassation a entendu ainsi faire prévaloir les dispositions s’appliquant spécifiquement à la vente par adjudication, en application du principe selon lequel les règles spéciales dérogent aux règles générales.

Pour mémoire, désormais l’article 10-1 modifié par l’ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019 7 , prévoit, depuis le 1 er juin 2020, une extension de ces dispositions à toutes les prestations effectuées par le syndic au profit d’un copropriétaire et notamment celles liées aux mutations, telles que l’opposition de l’article 20 de la loi.

Selon l’arrêt ici rapporté, il en résulterait donc que les honoraires et frais devraient, à l’avenir, incomber à l’adjudicataire et non au copropriétaire saisi, s’agissant de «frais de la vente».

Par ailleurs, on rappellera que dorénavant les honoraires et frais perçus par le syndic au titre des prestations qu’il doit effectuer pour l’établissement de l’état daté à l’occasion de la vente d’un lot (ou, désormais même, de plusieurs lots lorsqu’ils font l’objet d’une même mutation) sont plafonnés à un montant fixé par décret à 380 euros TTC8.

1L. n°65-557, 10 juill. 1965, JO 11 juill.
2D. n°67-223, 17 mars 1967, JO 22 mars.
3Cass. 3 e civ., 19 juill. 1983, n°82-12.393, Bull. civ. III, n°167, D. 1984, jur., p. 293, note Souleau H., Gaz. Pal. 1984, panorama, p. 73, Administrer janv. 1984, p. 42, obs. Guillot E.-J.
4D. n°2004-479, 27 mai 2004, JO 4 juin.
5L. n°2010-788, 12 juill. 2010, JO 13 juill., portant engagement national pour l'environnement.
6Lafond J. et Roux J.-M., Code de la copropriété annoté, 2021, p. 187, note sous l’article 10-1.
7Ord. n°2019-1101, 30 oct. 2019, JO 31 oct.
8D. n°2020-153, 21 févr. 2020, JO 23 févr., pris pour l’application de l’article 10 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 modifiée fixant le statut de la copropriété et des immeubles bâtis.

Textes de la decision (extraits)

«(…) Réponse de la Cour
7. Selon l’article 14-1 de la loi du 10 juillet 1965, sous réserve de la fixation de modalités différentes par l’assemblée générale, les copropriétaires versent au syndicat des provisions, égales au quart du budget prévisionnel voté, exigibles le premier jour de chaque trimestre.
8. Selon l’article 6-2, 1, du décret du 17 mars 1967, à l’occasion de la mutation à titre onéreux d’un lot, le paiement de la provision, exigible en application de l’article précédent, incombe au vendeur.
9. Il résulte de ces textes que, à l’occasion d’une vente par adjudication d’un lot de copropriété, le paiement de cette provision incombe au copropriétaire saisi.
10. Ayant relevé, sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, que la provision était devenue exigible le 1 er octobre 2011, soit avant la mutation du 5 octobre, la cour d’appel en a exactement déduit que Mme V. devait être condamnée à son paiement.
11. Le moyen n’est donc pas fondé.
Mais sur le moyen relevé d'office
12. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du Code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction issue de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010, et l’article L. 322-9 du Code des procédures civiles d’exécution:
13. Selon le premier de ces textes, sont imputables au seul copropriétaire concerné, les honoraires du syndic afférents aux prestations qu'il doit effectuer pour l'établissement de l'état daté à l'occasion de la mutation à titre onéreux d'un lot ou d'une fraction de lot.
14. Selon le second, l’adjudicataire paye les frais de la vente.
15. Il en résulte que l’imputation du coût de l’état daté au copropriétaire concerné n’est pas applicable en
cas de vente par adjudication d’un lot de copropriété.
16. Pour condamner Mme V. au paiement du coût de l’état daté, l’arrêt retient qu’il doit être établi par le
syndic en cas de mutation d’un lot à titre onéreux, quelle que soit la nature de cette mutation.
17. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé, par fausse application, le premier des textes susvisés.
Et sur le troisième moyen
Énoncé du moyen
18. Mme V. fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au syndicat une certaine somme à titre de dommages et intérêts, alors « que la censure qui interviendra sur les premier et deuxième moyens de cassation, qui reprochent à la cour d’appel d’avoir condamné Mme V. à payer diverses sommes au syndicat des copropriétaires, entraînera par voie de conséquence la censure de l’arrêt attaqué en ce qu’il a condamné en outre Mme V. à indemniser le syndicat des copropriétaires du préjudice subi par celui-ci du fait de sa prétendue résistance abusive, en application de l’article 624 du Code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du Code de procédure civile:
19. Selon ce texte, la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
20. La cassation sur le moyen relevé d’office entraîne par voie de conséquence l’annulation des dispositions critiquées par le troisième moyen.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen, la Cour:
CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 30 octobre 2017;
CASSE ET ANNULE, (…)».
Cass. 3 e civ., 20 mai 2021, n°20-15.633, P