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Indemnisation pour expropriation de l’immeuble et qualité à agir du syndicat

Cass. 3e civ., 16 mars 2023, n° 22-11.429, B

Mots-cles

Copropriété • Expropriation partielle pour cause d’utilité publique • Indemnisation • Dépréciation du surplus • Qualité à agir • Syndicat des copropriétaire • Irrecevabilité

Textes vises

Code de l’expropriation – Articles L. 321-1 et L. 321-2 – Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 – Article 16-2

Repere

Le Lamy Droit immobilier 2022, nos 1431 et 4933

Le syndicat des copropriétaires ne peut représenter chaque copropriétaire pour la défense de ses droits sur son lot et ne peut donc se voir allouer une indemnité de dépréciation du surplus de l’ensemble de la copropriété consécutive à l'expropriation partielle des parties communes.

Analyse

En application de l’article L. 221-2 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, l'expropriation d'un immeuble soumis au statut de la copropriété, est poursuivie et prononcée lot par lot à l'encontre des copropriétaires concernés lorsqu’elle s’applique à des parties privatives ainsi qu’à l'encontre du syndicat lorsqu’elle porte également sur des parties communes.

Selon l’article L. 321-2 du même code, le juge prononce des indemnités distinctes en faveur des parties qui le demandent, à des titres différents.

Lorsque l’expropriation concerne uniquement des parties communes, la procédure en fixation des indemnités d’expropriation doit en conséquence être menée à l'égard du seul syndicat représentant l’ensemble des copropriétaires indivisément propriétaires des parties communes.

Mais la possibilité, édictée par l’article L. 221-2 précité, pour le syndicat des copropriétaires de représenter les copropriétaires eux-mêmes, pourtant seuls titulaires en indivision des parties communes, ne saurait s’étendre aux parties privatives.

Telle est la solution dégagée ici par la Cour de cassation dans une espèce où une société d'autoroute avait procédé à l'expropriation partielle des parties communes d'un immeuble constituées d’emplacements de stationnement.

Les juges du fond avaient octroyé au syndicat des copropriétaires l’indemnité prévue par l’article L. 321-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique qui précise que celle-ci couvre l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

En matière d’expropriation partielle, le préjudice peut être constitué non seulement de la moins-value correspondant aux parties expropriées mais peut également comprendre la diminution de valeur du surplus non exproprié de la copropriété, c’est-à-dire la dépréciation éventuelle des parties communes comme celle des parties privatives.

Tel était le cas en l’espèce.

Cependant la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait alloué au syndicat des copropriétaires une somme de 326 152 euros représentant l’indemnisation de la dépréciation de la totalité de l’immeuble, laquelle comprenait à la fois les parties communes et les parties privatives.

L’expropriant conteste devant la Cour de cassation le montant de l’indemnité au motif que celui-ci est supérieur à la valeur dépréciée du surplus non exproprié des parties communes et inclut la dépréciation du surplus des parties privatives.

En effet, l’indemnité octroyée prenait en compte l’existence d’une dépréciation du surplus de la copropriété en raison de la disparition de près d’un tiers des emplacements de stationnement matérialisés, de nature à dissuader en zone urbaine les candidats acquéreurs et à diminuer d’environ 20 % la valeur marchande au mètre carré des lots de la copropriété.

La Cour de cassation censure cette décision.

Elle relève que seul le syndicat des copropriétaires était partie à l’instance.

Or, selon la Cour régulatrice, l’indemnité pour dépréciation du surplus de l’ensemble de la copropriété, parties communes et parties privatives comprises, ne pouvait être allouée au syndicat des copropriétaires, une partie du préjudice étant subie par les copropriétaires individuels du fait de la diminution de la valeur de la partie privative de leurs lots.

On ne peut qu’approuver cette décision.

En effet, seuls les copropriétaires eux-mêmes pouvaient engager l’action en indemnisation de leur préjudice, constitué par la baisse de la valeur de leur lot consécutive à l’expropriation d’une partie des parties communes.

Cet arrêt s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle avait déjà décidé auparavant que l’indemnisation du syndicat des copropriétaires pour expropriation des parties communes n’exclut pas nécessairement celle de chaque copropriétaire pour la dévalorisation de la partie privative de son lot.

Textes de la decision (extraits)

« (…) Réponse de la Cour
Vu les articles L. 321-1 et L. 321-2 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :
5. Aux termes du premier de ces textes, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.
6. Selon le second, le juge prononce des indemnités distinctes en faveur des parties qui les demandent à des titres différents.
7. Pour allouer au syndicat des copropriétaires [Adresse 4] une indemnité de dépréciation du surplus, l'arrêt retient que la dévalorisation du surplus de la copropriété résulte de la disparition de près d'un tiers des emplacements de parking matérialisés, ce qui, en zone urbaine, est de nature à dissuader fortement les candidats acquéreurs et à diminuer la valeur marchande au mètre carré de la copropriété de sorte que cette dépréciation, évaluée à 20 %, doit s'appliquer au prix moyen de vente au mètre carré d'après des exemples de ventes de lots privatifs au sein de la copropriété.
8. En statuant ainsi, alors que le syndicat des copropriétaires ne peut représenter chaque copropriétaire pour la défense de ses droits sur son lot et ne peut donc se voir allouer une indemnité de dépréciation du surplus de l'ensemble de la copropriété, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe l'indemnité pour dépréciation du surplus à la somme de 326 152 euros et condamne la société Escota à payer au syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 4] la somme de 365 727,46 euros, en ce qu'elle comprend celle de 326 152 euros, l'arrêt rendu le 2 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ».

Cass. 3e civ., 16 mars 2023, n° 22-11.429, B