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Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

Cass. 3e civ., 29 juin 2023, n° 21-21.708, B

Mots-cles

Copropriété • Contrôle de conventionnalité • Proportionnalité •Notification du procès-verbal d’assemblée générale • Lettre recommandée avec demande d’avis de réception • Point de départ du délai • Contestation des décisions d’assemblées générales • Première présentation de la lettre recommandée • Défaut de retrait • Forclusion.

Textes vises

Décret n° 67-223 du 17 mars 1967 – Article 64 – Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – Article 6

Repere

Le Lamy Droit immobilier 2023 nos 5332 et 5347

L’article 64 du décret du 17 mars 1967, qui prévoit que le délai que font courir les notifications et mises en demeure a pour point de départ le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire, n’est pas contraire à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Analyse

Un copropriétaire se voit notifier un procès-verbal d’assemblée générale du 30 mars 2015 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception expédiée le 27 avril 2015.

Celle-ci est retournée à l’expéditeur revêtue de la mention « pli avisé non réclamé ».

La date de première présentation de la lettre recommandée n’est pas renseignée.

Près de deux ans plus tard, en janvier 2017, le copropriétaire assigne le syndicat en nullité de l’assemblée générale.

La cour d’appel déclare sa demande irrecevable du fait de l’expiration du délai de recours de deux mois, lequel court à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée générale, en application de l’article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

Le pourvoi porte sur l’absence de conformité des dispositions de l’article 64 du décret du 17 mars 1967 relatives aux notifications en matière de copropriété avec l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantissant le droit d’accès à un tribunal.

Le copropriétaire soutenait que la date de première présentation de la lettre recommandée n’étant pas renseignée, le délai de recours n’aurait pas couru.

Il prétendait à titre subsidiaire que le pli n’ayant pas été retiré, le délai d’action ne pouvait courir, l’intéressé n’étant pas en mesure d’agir, violant ainsi l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

Par cet arrêt publié au Bulletin, la Cour de cassation procède ainsi au contrôle de la conventionnalité du point de départ du délai prévu par l’article 64 du décret, lorsque les notifications s’effectuent par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Depuis le décret n° 2000-293 du 4 avril 2000, l’article 64 dispose en effet que le délai « a pour point de départ le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire ».

Cette modification, proposée par la Commission relative à la copropriété, avait été adoptée pour mettre fin à l’insécurité juridique résultant des règles issues des articles 668 et 669 du Code de procédure civile, prévoyant que « la date de réception d’une notification faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception est celle qui est apposée par l’administration des postes lors de la remise à son destinataire ».

En application de ces dispositions, la jurisprudence décidait que la date de notification à retenir était celle de la remise effective de la lettre à son destinataire, c’est-à-dire la date de signature de l’accusé de réception et non celle du dépôt de l’avis de passage dans la boîte aux lettres.

Il en résultait qu’il suffisait au copropriétaire de ne pas retirer le pli recommandé comportant la notification du procès-verbal d’assemblée générale pour empêcher le délai de recours de courir, fragilisant ainsi l’exécution de l’ensemble des décisions adoptées.

De même, le défaut de retrait de la convocation avant l’expiration du délai minimum requis précédant la réunion d’assemblée générale, pouvait entraîner l’annulation de l’assemblée générale toute entière.

En raison de leur régime dérogatoire au droit commun, les dispositions du décret du 4 avril 2000 instaurant le point de départ du délai le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire, avaient fait l’objet d’un recours en annulation devant le Conseil d’État.

Celui-ci n’avait pas abouti, l’arrêt du 30 décembre 2002 en ayant approuvé la légalité au regard de la législation nationale.

C’est donc au plan de la législation européenne que ces mêmes dispositions étaient, cette fois, contestées.

Mais la Cour de cassation rejette le pourvoi.

Tout d’abord, elle écarte les dispositions de l’article 670-1 du Code de procédure civile prévoyant la signification par voie d’huissier en cas d’absence de signature de l’acte de notification, en précisant qu’elles ne s’appliquent qu’aux décisions de justice.

La Haute juridiction confirme ensuite la décision d’appel dans son contrôle de conventionnalité.

Elle relève que les dispositions permettant de faire courir le délai de notification au lendemain de la date de première présentation de la lettre recommandée, ont pour objectif légitime de sécuriser le fonctionnement des copropriétés en évitant qu’un copropriétaire puisse, en s’abstenant de retirer un courrier recommandé, empêcher le délai de recours de courir et ainsi de fragiliser l’exécution des décisions d’assemblées générales.

Elle approuve ainsi la cour d’appel d’avoir décidé que cette disposition, en l’absence de disproportion avec le droit d’un copropriétaire de pouvoir contester les décisions prises par l’assemblée générale, ne portait pas une atteinte injustifiée au droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

C’est donc à un contrôle de proportionnalité auquel se livre la Cour de cassation.

Au regard de la légitimité de l’objectif de sécurité juridique poursuivi, l’atteinte au droit du copropriétaire d’accéder à un juge, pourtant conventionnellement garanti, est fort heureusement considérée comme étant justifiée.

Enfin, la Haute juridiction relève que la cour d’appel a retenu, dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation, que le procès-verbal du 30 mars 2015 ayant été adressé par lettre recommandée postée le 27 avril 2015, cachet de la poste faisant foi et retournée à l’expéditeur revêtue de la mention « pli avisé non réclamé », il en résultait, bien que la date de première présentation n’ait pas été renseignée, que celle-ci était nécessairement antérieure de plus de deux mois à la date de l’assignation du 5 janvier 2017.
La date de première présentation, en principe matérialisée par la mention apposée par La Poste sur l’avis de réception, est de plus en plus fréquemment non renseignée ou illisible, ce qui pose évidemment des difficultés pour l’application de l’article 64 du décret.

La décision de la Cour de cassation s’inscrit dans le cadre d’un récent assouplissement des règles de preuve en la matière, laquelle peut être rapportée par tous moyens.

Textes de la decision (extraits)

« (…) Réponse de la Cour
3. En premier lieu, la cour d'appel a énoncé, à bon droit, qu'en application de l'article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, la notification d'un procès-verbal d'assemblée générale par lettre recommandée avec demande d'avis de réception fait, quand bien même ne parviendrait-elle pas effectivement à son destinataire, courir le délai pour agir, dès lors que l'article 670-1 du Code de procédure civile, qui invite les parties à procéder par voie de signification, concerne la seule notification des décisions de justice.
4. En deuxième lieu, procédant au contrôle de conventionnalité qui lui était demandé, elle a relevé que cette disposition avait pour objectif légitime de sécuriser le fonctionnement des copropriétés en évitant qu'un copropriétaire puisse, en s'abstenant de retirer un courrier recommandé, empêcher le délai de recours de courir et ainsi fragiliser l'exécution des décisions d'assemblée générale.
5. En troisième lieu, elle en a exactement déduit que cette disposition, en l'absence de disproportion avec le droit d'un copropriétaire de pouvoir contester les décisions prises par l'assemblée générale, ne portait pas une atteinte injustifiée au droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. En quatrième lieu, ayant constaté que le procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mars 2015 avait été adressé à la société par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 avril 2015, cachet de la poste faisant foi, et que cette lettre avait été retournée à l'expéditeur avec la mention « pli avisé et non réclamé », la cour d'appel, motivant sa décision, a souverainement retenu que, bien que la date n'en soit pas renseignée, la première présentation était nécessairement antérieure de plus de deux mois à l'assignation délivrée le 5 janvier 2017.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi (…) ».

Cass. 3e civ. 29 juin 2023, n° 21-21.708, B